Descripteur

 

Colloque international Max et Iris Stern 11
Topographies de la violence de masse

31 mars et 1er avril 2017

Musée d’art contemporain de Montréal

Salle Beverley Webster Rolph

 

Le onzième Colloque international Max et Iris Stern, Topographies de la violence de masse, s’est tenu les 31 mars et 1er avril 2017 au Musée d’art contemporain de Montréal en lien avec les expositions Mundos de Teresa Margolles et Et maintenant regardez cette machine d’Emanuel Licha. Ce colloque a porté sur les phénomènes de violence de masse, et sur la façon dont ceux-ci sont intrinsèquement liés aux territoires et aux lieux où ils sont perpétrés mais aussi aux dispositifs spatiaux et architecturaux qui les médiatisent.

La violence de masse se définit comme une violence produite par un État ou un groupe organisé contre certains membres d’une population ou une population au complet (habitants d’un pays, membres d’une communauté ethnique, religieuse, sexuelle). Elle englobe des phénomènes qui peuvent aller de quelques dizaines à plusieurs centaines de milliers de victimes : fusillades, actes terroristes, féminicides, conflits armés, génocides. Si la violence de masse, dont une des formes les plus courantes est la guerre, a toujours existé, on constate que depuis le début des années 1990 sa nature, mais également ses modes d’apparition et de représentation se sont transformés. La fin de la Guerre froide, et l’ouverture des frontières politiques, culturelles et commerciales, loin de donner naissance à un monde pacifié a vu au contraire la persistance des guerres, y compris au cœur de l’Europe, et des formes les plus archaïques de la violence de masse (génocide et épuration ethnique au Rwanda et dans les Balkans). La multiplication de certaines formes de violence de masse contre les femmes (tuerie de Polytechnique, féminicides de femmes autochtones), contre des communautés sexuelles (fusillade d’Orlando, assassinats des transgenres), contre des Noirs (violences policières) ou même contre certaines catégories socio-professionnelles (journalistes de Charlie Hebdo, étudiants mexicains) a également marqué les dernières décennies. Les changements climatiques—qui sont issus de décisions politiques de gestion du territoire, et qui sont souvent étroitement liés aux conflits—sont aussi pour les populations civiles une source de violences à grande échelle. Celles-ci provoquent d’imposants flux migratoires qui appellent en retour des réponses des États sous la forme d’une gestion spatiale des individus (murs-frontières, camps de réfugiés, apartheids).

Les modes de représentation de ces phénomènes subissent par ailleurs de profondes transformations depuis le début des années 1990. La première guerre du Golfe a en effet marqué le début d’une production massive d’images de conflits, associée à un contrôle étroit par les États de leur diffusion. Plus tard, le développement d’Internet et des médias sociaux a permis à de nouveaux acteurs de participer à la production et à la diffusion de ces représentations : journalistes amateurs, victimes, et aussi bourreaux associés à un phénomène de spectacularisation des mises à mort collectives, avec les attentats du 11 septembre, les mises en scène macabres des cartels de la drogue au Mexique ou les exécutions filmées de l’EI.

Dans le cadre de ce colloque, un regroupement international de spécialistes appartenant à diverses disciplines (historiens de l’art, de l’architecture et de l’urbanisme, du cinéma et des médias, architectes, artistes et commissaires d’exposition, activistes) a abordé l’ensemble de ces phénomènes pour réfléchir aux façons de les penser au-delà des représentations qui en sont traditionnellement faites par les médias. Leurs contributions ont permis notamment d’imaginer comment l’analyse de certains objets spatiaux issus de l’architecture, de l’urbanisme, ou des tactiques militaires, autorise une meilleure compréhension de ces formes de violence.

La cartographie, l’architecture forensique, les cultures visuelles, offrent des outils pour mener ces analyses spatiales, auxquelles s’associent certaines pratiques artistiques, qui tentent de proposer des modes de représentation alternatifs. On constate que pour échapper à la polarisation irreprésentabilité / spectacularisation des médias, mais également pour contrer l’effacement et le déni des États face à la violence de masse, un grand nombre d’artistes adoptent la posture du topographe en enregistrant et en représentant les traces de cette violence dans les lieux qu’elle a imprégnés directement ou indirectement. Qu’il s’agisse des territoires où elle s’est exercée (les déserts syriens, irakiens et libyens ; la Route des larmes en Colombie-Britannique et le quartier Downtown Eastside à Vancouver; Ciudad Juárez et ses environs…), des preuves qu’elle a laissées (fosses communes, villes dévastées, habitations abandonnées…) ou des dispositifs architecturaux qui ont permis de la représenter et de la médiatiser (hôtels de guerre…), la violence de masse est inséparable du topos.

Les colloques internationaux Max et Iris Stern

Depuis 2006, les colloques internationaux de haut niveau du Musée d’art contemporain de Montréal portent le nom de Colloque international Max et Iris Stern. Dès la fondation du Musée en 1964, Max et Iris Stern ont contribué de manière significative à son essor en enrichissant sa collection de plusieurs dons, parmi lesquels figurent des œuvres de Hans Arp, Paul-Émile Borduas, Emily Carr, John Lyman et Jean-Paul Riopelle.

L’événement, qui se tient chaque année, a pour but de rendre accessibles au public les travaux de recherche récents des penseurs actuels, issus de domaines différents, tels que l’histoire de l’art, l’esthétique, la sociologie ou la littérature. Par son engagement, le Musée souhaite favoriser une meilleure compréhension de l’art contemporain et rendre hommage à Max et Iris Stern, en propageant leur vision sur la scène internationale.

Organisé par le Musée d’art contemporain de Montréal et la Faculté des arts de l’Université du Québec à Montréal.