Joaquin Barriendos est chercheur associé à temps plein à l’Instituto de Investigaciones Estéticas (UNAM-Mexico). Auteur de Geoaesthetics and Transculturality (2007) et d’Art Geography and the Global Challenge of Critical Thinking (2011), il s’intéresse à l’interaction entre les archives artistiques, les droits de la personne, les musées et la culture visuelle. Avec le soutien de l’Association des études latino-américaines, il a organisé en 2014 le congrès intitulé Displaying Human Rights et a initié le Séminaire permanent sur les musées et les droits de la personne en Amérique latine. Avant de travailler à l’UNAM, il a été professeur agrégé à l’Université Columbia et chercheur à l’Institut national d’histoire de l’art (Paris), à l’Université de New York (Programme d’études muséologiques) et à l’Université de Barcelone (Art, mondialisation et interculturalité). Archiviste-activiste, il est conservateur en chef des archives Juan Acha. Son exposition Revolutionary Awakening est présentée en ce moment au MUAC (Museo Universitario de Arte Contemporáneo de México).
Topographies spectrales: Fosses, esthétique et la politique de la vérité au Mexique
Au cours des dix dernières années, des centaines de tombes clandestines ont été trouvées un peu partout sur le territoire mexicain, refaçonnant ainsi la topographie de violence qui découle de la soi-disant « guerre de la drogue ». Cependant, les restes humains et les excavations médicolégales ne sont que la pointe d’un iceberg composé de milliers de corps absents, d’outils juridiques inexistants et d’une imputabilité gouvernementale évasive. Combinés, ces ingrédients produisent une sorte de violence spectrale contre la société civile, dans laquelle le manque de traces favorise un état de terreur permanent dans le corps social, faisant de la violence un dispositif somatique de peur systémique. Dans ma communication, j’aborderai le rôle de la mémoire sociale, des manifestations artistiques spontanées et de la culture visuelle dans l’articulation de ce que j’appelle la dimension performative des droits de la personne, c’est-à-dire la « dé-somatisation » de la violence spectrale au moyen de machines politico-esthétiques. En confrontant des études de cas antagonistes, je tenterai, durant ma présentation, de comprendre la politique de la vérité dans le Mexique post-Ayotzinapa.
(en anglais)
Nuria Carton de Grammont est historienne de l’art, commissaire et chargé de cours à l’Université Concordia, spécialisé en art contemporain latino-américain. Elle détient un doctorat en histoire de l’art de l’Université Concordia et deux postdoctorats du Centre d’études et de recherches internationales et du Département de géographie de l’Université de Montréal, où elle a également coordonné le Réseau d’études sur l’Amérique latine. Elle a publié plusieurs articles sur l’art latino-américain dans les revues Les Cahiers ALHIM, Fractal, esse arts + opinions, Inter, art actuel et Archée, et coédité l’ouvrage Politics, Culture and Economy in Popular Practices in the Americas (Peter Lang, 2016). En tant que commissaire, elle a notamment présenté Narco-culture and the art of violence (2014) au Centre for Ethnographic Research and Exhibition in the Aftermath of Violence, et elle prépare actuellement une exposition sur l’artiste mexicain Gilberto Esparza, qui aura lieu à la Galerie de l’UQAM au printemps 2017.
Violence, narco-culture et la géographie de la peur
L’étude de la culture de la violence associée à la guerre contre le trafic de la drogue au Mexique a essentiellement porté sur l’analyse de la narco-culture comme expression culturelle des classes populaires. Diverses manifestations, comme les narco-corridos (« narco-chansons »), ont été interprétées comme des formes de résistance venues « d’en bas », qui dénoncent un État corrompu par le commerce de la drogue. Mais la narco-culture comme contre-pouvoir est aussi absorbée par une industrie transnationale puissante et rentable qui commercialise des narco-telenovelas (« narco-roman-savon »), des narco-films et même une « narco-littérature ». Les grands capitaux, le crime organisé et l’État sont donc complices de la reproduction néo-conservatrice des stéréotypes qui naturalisent la violence quotidienne comme production populaire, une idéologie qui cultive l’insécurité et mobilise une géopolitique de la peur, de la violence et du contrôle de l’espace, tant physique que social.
Katsi’tsakwas Ellen Gabriel est une Kanien’kehá:ka (Mohawk, clan de la Tortue), de Kanehsatà:ke. Elle a entrepris son activisme public durant le siège de Kanehsatà:ke en 1990 (la crise d’Oka de 1990) et a été choisie comme porte-parole par le peuple de la Maison longue et sa communauté de Kanehsatà:ke. Depuis 1990, elle œuvre comme défenseur des droits de la personne et de l’environnement pour les droits collectifs et individuels des peuples autochtones, visant à sensibiliser le public et les institutions à propos des impacts de la colonisation sur les peuples autochtones, de l’histoire coloniale du Canada et de la richesse de la culture et de l’identité des peuples autochtones, de même que sur les droits de la personne. Elle a été présidente de l’Association des femmes autochtones du Québec de 2004 à 2010 et a participé à l’Instance permanente sur les questions autochtones des Nations unies, de même qu’au Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones. Elle travaille présentement comme consultante culturelle pour le Kanehsatà:ke Onkwawén:na – Niión:kwarihoten (Centre pour la langue et la culture) et elle est membre du conseil d’administration de la Kontinonhstats, soit l’Association pour la préservation de la langue Mohawk.
L’art de la propagande, les « faits réels » et l’érosion des droits de la personne des peuples autochtones
(en anglais)
Mariam Ghani est artiste, auteure et cinéaste. Dans son travail, elle observe des lieux et des moments où prennent forme des structures sociales, politiques et culturelles. Parmi ses expositions individuelles, mentionnons celles ayant eu lieu au Queens Museum of Art, au Saint Louis Art Museum, à l’Indianapolis Museum of Art, au Rogaland Kunstsenter et au Gatchina Museum. Ses œuvres ont été présentées dans des expositions et programmes de projection collectifs, notamment au Rotterdam Film Festival, à la Biennale de Liverpool, à la Biennale de Sharjah, au Dhaka Art Summit, à la dOCUMENTA 13, à la National Gallery of Art à Washington, à la Vienna Secession, au CCCB à Barcelone, ainsi qu’au Met Breuer, au MoMA et au Guggenheim à New York. Ses textes ont récemment été publiés dans Cultural Politics, Frieze, Ibraaz, Triple Canopy et dans les recueils Critical Writing Ensembles, Dissonant Archives, The Gulf: High Culture, Hard Labor et Social Medium: Artists Writing 2000-2015. Ghani collabore avec l’artiste Chitra Ganesh depuis 2004 à l’Index of the Disappeared, une archive expérimentale documentant les détentions, les déportations, les extraditions et les restitutions (renditions) qui ont suivi le 11-Septembre ; et, avec la chorégraphe Erin Kelly et le compositeur Qasim Naqvi depuis 2006, à la série de vidéos Performed Places. Ghani détient un baccalauréat en littérature comparée de l’Université de New York et une maîtrise en beaux-arts de la School of Visual Arts, et a reçu plusieurs récompenses et bourses, récemment de Creative Capital et du International Centre for Human Rights à la Yale Law School. Elle enseigne à la Cooper Union School of Art et au programme de maîtrise en Social Practice au Queens College, CUNY.
Le non-vu vu : sites noirs et invisibilité contractuelle
Le terme black site, ou site noir, renvoie à une prison clandestine opérée par la CIA dans le cadre de son programme extra-judiciaire d’extradition, d’interrogatoire et de torture, actif entre 2001 et 2009. Cependant, tout site rendu temporairement invisible par une convention (tacite ou explicite) selon laquelle on ne voit pas ce qui existe réellement peut également être considéré comme un site noir, entre autres, les zones de « détention temporaire » servant à des interrogatoires extra-judiciaires, allant du Homan Square à Chicago jusqu’aux Forward Operating Bases déployées par l’armée des États-Unis. Quand un site devient un site noir, un lieu devient un non-lieu. Les vrais bâtiments, gens et territoires sont rendus invisibles par une sorte d’hallucination consensuelle. Que se produit-il quand ce processus est inversé ? Quand un lieu commence à insister sur sa réalité, malgré les contrats qui en régissent l’existence comme n’étant rien d’autre qu’une rumeur, comment ces bâtiments, ces gens et ces territoires émergent-ils de l’obscurité ? Est-il possible de regarder un ancien site noir sans voir à travers le voile de sa vie antérieure de non-vu ? Et comment une image peut-elle illustrer fidèlement à la fois un lieu et son passé de non-lieu, ou un lieu et sa position dans un réseau de contrats sociaux et politiques qui font qu’il est impossible de connaître l’histoire complète de ce lieu, d’en parler ou de la voir ? Mariam Ghani abordera ces questions par le biais du projet The Seen Unseen, réalisé en Afghanistan en 2015 dans le cadre de sa collaboration en cours avec Chitra Ganesh sur l’archive expérimentale intitulée Index of the Disappeared.
(en anglais)
Derek Gregory a quitté Cambridge pour s’installer à Vancouver en 1989, où il est Peter Wall Distinguished Professor à l’Université de la Colombie-Britannique. Auteur de Geographical Imaginations and The Colonial Present: Afghanistan, Palestine, Iraq, ses travaux de recherche portent sur les trajectoires de la guerre moderne. Il termine présentement deux livres importants : Reach from the Sky: Aerial Violence and the Everywhere War, une étude sur la généalogie et la géographie du bombardement, de la Première Guerre mondiale jusqu’aux opérations à distance d’aujourd’hui (le sujet de ses conférences Tanner à Cambridge en 2016), et Bodies and War, une exploration de la corporalité de la guerre moderne accordant un intérêt particulier au soin médical, aux chaînes d’évacuation et au ciblage des hôpitaux et des médecins. Il a reçu la Founder’s Medal de la Royal Geographical Society en 2006 et il est membre de la British Academy et de la Société royale du Canada.
La mort de la clinique: frappes chirurgicales et espaces d’exception
Un espace d’exception est un endroit où les gens sont sciemment et délibérément exposés à la mort du fait de la suspension des dispositions légales qui les protègeraient normalement de la violence. Le champ de bataille moderne est l’un de ces espaces où la violence militaire est régulée par l’activation de la loi internationale (« le droit de la guerre »). Il existe également une exception à l’exception – les hôpitaux où l’on soigne les malades et les blessés qui sont hors de combat et qu’on ne peut pas attaquer – et, pourtant, les guerres en Afghanistan, à Gaza, en Syrie, au Yémen et ailleurs ont démontré que cette immunité est en train d’être systématiquement sapée. Cette présentation retrace l’histoire plus ancienne de la militarisation des soins médicaux et, par une analyse rigoureuse des frappes aériennes et des géographies des soins traumatologiques en Afghanistan et en Syrie, elle montre ce qui est en cause dans ces nouvelles tentatives d’affaiblir, voire de dissoudre, la capacité de la loi humanitaire internationale de limiter les épisodes de violence de masse.
(en anglais)
Formé en architecture et en histoire de l’architecture, Andrew Herscher s’intéresse à la politique spatiale d’enjeux liés aux droits de la personne et humanitaires, au déplacement et à la migration, aux questions de race et d’identité ainsi qu’à l’architecture et à l’art contemporains. Il a également participé à plusieurs projets collaboratifs publics, dont We the People of Detroit Community Research Collective, Detroit Resists et Commune Research Commune à San Francisco. Parmi ses publications, mentionnons Violence Taking Place: The Architecture of the Kosovo Conflict (Stanford University Press, 2010), The Unreal Estate Guide to Detroit (University of Michigan Press, 2012), Spatial Violence, codirigée avec Anooradha Iyer Siddiqi (Routledge, 2016), et Displacements: Architecture and Refugee (Sternberg Press, à paraître). Il est présentement chercheur en « Creative Cities » au Stanford Arts Institute de l’Université Stanford et professeur agrégé à l’Université du Michigan.
La nécropolitique de l’imagination architecturale
Intitulée The Architectural Imagination, l’exposition présentée au pavillon des États-Unis lors de la Biennale d’architecture de Venise en 2016 proposait de « nouveaux projets architecturaux spéculatifs commandés pour des sites précis à Detroit mais pouvant s’appliquer à des villes partout dans le monde ». Au dire des commissaires du pavillon, ces projets illustraient « la grande capacité de l’architecture de construire la culture et de catalyser les villes ». The Architectural Imagination a été elle-même imaginée pendant la restructuration ayant suivi la gestion d’urgence de Detroit durant laquelle la ville a été « catalysée » par des politiques d’austérité urbaine donnant lieu à des déplacements à grande échelle de communautés de couleur issues de la classe ouvrière et défavorisées. Comment l’imagination architecturale, telle que mise en scène dans le pavillon des États-Unis, se compare-t-elle à l’imagination architecturale qui a produit ces déplacements ? Comment ces imaginations de l’architecture se comparent-elles à la nécropolitique de l’urbanisme d’austérité à Detroit ? Quel droit à la ville ces imaginations architecturales formulent-elles ? Comment pourrait-on comprendre autrement ce droit ?
(en anglais)
Kyle Matthews est directeur général de l’Institut montréalais d’études sur le génocide et les droits humains (Montreal Institute for Genocide and Human Rights Studies – MIGS) à l’Université Concordia. Il s’est joint au MIGS en tant que chercheur en chef du projet La Volonté d’intervenir en 2008 et a été nommé directeur adjoint principal en 2011. À Concordia, il a fondé le projet Raoul Wallenberg Legacy of Leadership de même que le Digital Mass Atrocity Prevention Lab, qui vise à contrer l’extrémisme en ligne. Son travail porte sur les droits de la personne, la sécurité internationale, la responsabilité de protéger, les menaces mondiales, les médias sociaux, la technologie et les villes mondiales. Auparavant, il a travaillé pour Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et a été en poste dans le Caucase du Sud (Tbilissi), en République démocratique du Congo (Kinshasa) et en Suisse (Genève). Il a également travaillé pour CARE Canada en Albanie, puis à son siège social à Ottawa où il a géré plusieurs initiatives de réponse humanitaire et projets de consolidation de la paix en Afghanistan, en Afrique subsaharienne et au Moyen-Orient.
Marie Lamensch est coordonnatrice de projets, chercheure et chargée de communication à l’Institut montréalais d’études sur le génocide et les droits de la personne (Montreal Institute for Genocide and Human Rights Studies – MIGS) de l’Université Concordia. Elle détient un baccalauréat en histoire (études sur le génocide) et une maîtrise en conflit, paix et développement du King’s College à Londres. Après quelques mois au Ghana, elle s’est rendue au Rwanda dans le cadre de ses recherches et s’est penchée sur les politiques de réconciliation et de commémoration du génocide. Marie Lamensch s’intéresse aussi au rôle joué par les femmes dans les conflits et atrocités de masse. Au MIGS, elle s’occupe des différents projets. Son travail actuel porte plus particulièrement sur l’extrémisme violent, les discours haineux et la radicalisation, et le rôle des femmes dans divers groupes non étatiques liés à cette violence. Lamensch écrit également pour le Huffington Post Québec et est éditrice de la section Affaires étrangères au Mantle Blog. Enfin, elle est membre du conseil d’administration de la section montréalaise du Conseil international du Canada.
Penser la violence de masse
Comment penser la destruction de vies humaines, cette violence qui nous semble impossible à comprendre ? Comment concevoir la transmission et l’impact de tels actes ? Depuis la Seconde Guerre mondiale, la violence de masse a connu des changements significatifs. La majorité des conflits se déroulent aujourd’hui dans un seul et même État. Les auteurs et les victimes ont aussi changé. Des groupes non étatiques tels que des gangs ou des terroristes sont capables de commettre des massacres contre des civils comme jamais auparavant. Afin d’étudier la topographie des violences de masse, il est important de définir, voire de classifier ces phénomènes. En nous penchant sur les victimes ciblées et sur les intentions des auteurs de tels actes, nous discuterons de différentes formes de violence de masse telles que le génocide, le féminicide, les guerres, les violences policières et le terrorisme. À l’aide de quelques exemples, nous engagerons aussi une brève discussion sur le rôle croissant de telles images de violence ainsi que leurs impacts à court et à long terme.
(en français et anglais)
Vincent Lavoie est professeur titulaire au Département d’histoire de l’art de l’Université du Québec à Montréal. Ses travaux portent sur l’histoire et les formes actuelles de l’attestation photographique. Outre les modes amateurs et vernaculaires, il s’est beaucoup intéressé aux liens entre le photojournalisme et la violence, et à la photographie comme preuve forensique. Il est l’auteur des ouvrages L’instant-monument. Du fait divers à l’humanitaire (2001), Photojournalismes. Revoir les canons de l’image de presse (Hazan, 2010) et L’affaire Capa ou le procès d’une icône (Éditions Textuels, à paraître en mai 2017). Il est également directeur de la publication de La preuve par l’image, anthologie (PUQ, 2017) et de la revue savante Captures. Figures, théories et pratiques de l’imaginaire. Vincent Lavoie a également été conservateur de recherche au Musée McCord d’histoire canadienne (2003-2005), conservateur adjoint au Musée des beaux-arts du Canada (2000-2001), et commissaire général du Mois de la Photo à Montréal (2003).
Quelle visualité pour l’exode de masse ?
La crise migratoire des réfugiés syriens et irakiens n’aura pas échappé à l’attention des producteurs d’images. World Press Photo, Pulitzer, Pictures of the Year, National Press Photographers Association, tous les concours de photojournalisme auront en 2016 porté au sommet de leur palmarès des images de cet exode. Outre ces « chefs-d’œuvre » du photojournalisme, se trouvent des images « amateur » réalisées par les réfugiés eux-mêmes, au gré d’itinéraires et d’itinérances complexes dessinant une cartographie mouvante de la migration (Exodus : Our Journey to Europe, BBC, 2016). Puis des propositions artistiques qui se sont approprié des technologies militaires capables de dresser la cartographie thermique des flux migratoires (Richard Mosse, Incoming, 2016). Quelles topographies de la migration ces trois modes de production visuelle – journalistique et canonique, amateur et diasporique, militaire et artistique – établissent-ils ? Quelle représentation globale de cette crise tirer de tels tropes visuels ? L’exode de masse serait-il générateur d’un conflit visuel ?
Krista Geneviève Lynes est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en études des médias féministes et professeure agrégée au Département de communications de l’Université Concordia. Ses recherches portent sur la médiation des sujets politiques et de la vie sociale en situation de lutte politique. Sa monographie Prismatic Media, Transnational Circuits: Feminism in a Globalized Present (2012) examine la façon dont les différents médias visuels produisent une visibilité féministe dans des sites de conflit à travers le monde. Ses travaux ont paru dans Postmodern Culture, Theory & Event, Third Text et Signs. Elle a également été commissaire de nombreuses expositions, dont World of Matter: Exposing Resource Ecologies (2015) et Stubborn Objects: Counter-Surveillance in a Posthuman Landscape (2016). Elle est fondatrice et directrice du Feminist Media Studio, qui a pour but de concevoir des stratégies esthétiques afin de rendre visibles des formes persistantes d’oppression et d’exploitation basées sur le genre. Son projet de recherche en cours, Grounded: Media Art and the Reinvention of “Grassroots” Perspectives, vise à comprendre les médias des mouvements sociaux contemporains dans leur capacité de rendre manifeste le combat politique et d’engendrer de nouvelles formes d’identité collective.
Sites de crise et transgression : la politique matérielle des médias sur le terrain
L’irruption, au 21e siècle, de protestations à divers endroits de la planète, a suscité des questions quant au rôle joué par les médias dans la diffusion de puissants symboles de protestation. Les nouveaux documents visuels créés par les producteurs culturels et les activistes ont déplacé les points de vue de tels combats politiques des hauteurs de campagnes aériennes à l’angle plus commun de la rue, de la frontière ou du square ; des objets matériels ont circulé en même temps que des images afin de constituer un répertoire visuel des scènes de crise ; par ailleurs, de nouvelles formes de témoignage et d’intimité ont accompagné la circulation d’images iconiques, donnant lieu également à des stratégies esthétiques qui permettent d’aborder les espaces de violence et de lutte. La communication proposée traitera du rôle joué par les médias sur le terrain (grounded media) dans l’illustration des champs de combats sociaux, en réexaminant le rôle de l’indexicalité et de la matérialité en tant que stratégies clés de représentation. Il y sera également question de la façon dont artistes et activistes procèdent à la médiation de nouvelles relations sociales et de formes de collectivité résistante.
(en anglais)
Caroline Monnet est une artiste multidisciplinaire et cinéaste, fondatrice du collectif autochtone d’art numérique ITWÉ. Sa production visuelle a fait l’objet de nombreuses expositions individuelles et collectives, parmi lesquelles P.I.S.S. (Plug In ICA, 2009), Les contemporains (Arsenal et Musée d’art contemporain de Montréal, 2015) et Dans l’ombre de l’évidence (Axenéo7, 2016). Ses films ont été projetés dans plusieurs festivals et institutions, dont le Palais de Tokyo de Paris et la Haus der Kulturen der Welt de Berlin (Les Rencontres Internationales, 2012), le Sundance Film Festival (Park City, 2015) et le TIFF (Toronto, 2015). En 2016, elle était en nomination pour le prix Écrans canadiens du meilleur court métrage dramatique et remportait le prix Golden Sheaf du meilleur film expérimental au Yorkton Film Festival. Caroline Monnet prépare actuellement son premier long métrage, sélectionné par la résidence de la Cinéfondation du Festival de Cannes à Paris.
Territoires d’une identité dépossédée
Lorsqu’on efface la mémoire collective d’un peuple et qu’on le prive de sa toponymie d’origine, on lui enlève également ses références sociales, politiques, culturelles et spirituelles. Les enjeux autochtones contemporains sont dévoilés dans cette communication sous la forme d’une topographie personnelle qui s’appuie sur un besoin intrinsèque d’affirmation de soi et se positionne face au génocide culturel et physique des femmes autochtones. Il en résulte une critique tranchante des pouvoirs coloniaux et industriels qui ont dépossédé les Premières Nations du Canada de leurs terres ancestrales et continuent aujourd’hui à les persécuter indûment en les plaçant dans des ghettos. La notion de privilège culturel oscille entre perte du passé et construction du futur et devient source de dichotomie identitaire. Les monuments sculpturaux et picturaux s’apparentent alors à des sites archéologiques qui témoignent du féminicide, mais aussi de la résilience permettant d’appuyer une pensée qui outrepasse les conséquences du passé.
Julie Nagam est titulaire de la Chaire d’histoire de l’art autochtone en Amérique du Nord à l’Université de Winnipeg/Winnipeg Art Gallery (WAG). Parmi ses projets issus du Conseil de recherches en sciences humaines, mentionnons « The Transactive Memory Keepers: Indigenous Public Engagement in Digital and New Media Labs and Exhibitions ». Elle est copostulante d’une subvention de partenariat pour l’Initiative for Indigenous Futures, et elle sera l’hôte d’un premier colloque public intitulé « Radically Shifting Our Indigenous Future(s): Through Art, Scholarship and Technology » à la WAG. Elle a récemment codirigé un numéro spécial de la revue Public: Art/Culture/Ideas intitulé « Indigenous Art: New Media and the Digital ». Elle est présentement commissaire d’une installation d’art public dans le cadre d’une Marche pour la réconciliation à The Forks à Winnipeg, et elle dirige une équipe travaillant à la création d’une application consacrée à l’histoire artistique, architecturale et toponymique des communautés autochtones de Winnipeg. Elle est également co-commissaire de la première triennale d’art contemporain autochtone au WAG, qui se tiendra à l’automne 2017. La recherche et les œuvres de Nagam ont fait l’objet de présentations nationales et internationales.
Une révélation de l’ontologie du territoire au moyen de récits visuels autochtones sur la mémoire, la connaissance et les histoires vivantes
Dans cette communication, Julie Nagam se penchera sur le travail d’artistes contemporains autochtones comme Rebecca Belmore, Robert Houle et Jeff Thomas, qui dévoilent des géographies cachées dans les espaces urbains de Toronto et d’autres grands centres du Canada au moyen d’interventions inspirées de récits indigènes traitant des lieux et des concepts de l’espace autochtone. Nagam s’intéresse à une esthétique du dialogue et à sa capacité de transformer les récits historiques, patrimoniaux, culturels, archéologiques et géographiques afin d’imaginer un espace possible. Sa recherche et sa pratique sont essentiellement fondées sur l’idée que l’art peut créer les conditions épistémologiques, critiques et phénoménologiques permettant d’analyser des histoires linéaires, officiellement construites, et de les confronter à des récits de lieux en engageant un dialogue direct avec l’archéologie et la géographie de ces espaces.
(en anglais)
Susan Schuppli est une artiste et chercheure établie au Royaume-Uni. Dans sa pratique, elle examine les preuves matérielles aussi bien de guerres et de conflits que de désastres environnementaux. Récemment, elle a exploré les manières dont les écologies toxiques, allant d’accidents nucléaires et de déversements accidentels de pétrole jusqu’à la neige noire en Arctique, sont en train de produire une archive d’« images extrêmes » documentant des dommages matériels. Ses créations ont été présentées en Europe, en Asie, au Canada et aux États-Unis. Parmi ses réalisations récentes, mentionnons Trace Evidence, une trilogie de vidéos commandée par Arts Catalyst, au Royaume-Uni, et le Bildmuseet, en Suède, et Atmospheric Feedback Loops, une commande de Vertical Cinema pour Sonic Arts, à Amsterdam. Ses écrits sur les médias et la politique ont été abondamment publiés. Elle est notamment l’auteure de l’ouvrage à paraître Material Witness (MIT Press). Maître de conférences et directrice par intérim du Centre for Research Architecture du Goldsmiths College, University of London, Schuppli a précédemment été Senior Research Fellow pour le projet Forensic Architecture. En 2016, elle a reçu le ICP Infinity Award for Critical Writing and Research.
Les médias en tant que zones de conflit
Pendant que les lignes de front se déplacent progressivement dans l’espace secret de l’informatique et de l’abstraction numérique, bien au-delà des seuils de la perception humaine et de ses modes d’expression, nous ne pouvons plus nous fier aux formes traditionnelles du journalisme pour nourrir nos points de vue critiques sur des situations de conflit. L’espace de l’écran a multiplié et réfracté les « cadres de la guerre » en un champ complexe de détecteurs, de logiciels et de serveurs qui traquent leurs cibles – combattants, capital et consommateurs – à travers le spectre électromagnétique. Enquêter sur les formes numérisées et automatisées de violence contemporaine exige un réalignement conceptuel dans lequel nous apprendrons à déceler la spécificité des batailles qui se déclenchent d’elles-mêmes au niveau du processus : des traductions entre formats de fichier à la latence des signaux, des erreurs de compression à la rémanence des données et jusqu’à la diffusion de métadonnées. Si les appareils photo, les caméras et les médias se sont depuis longtemps aventurés dans les zones de conflit, exposant les injustices et documentant les exactions, l’expansion de ces zones en de puissants dispositifs informatiques doit donner lieu à de nouvelles pratiques de décodage pour que nous puissions intervenir politiquement dans les champs électroniques de données transformées en armes, où les algorithmes exécutent et les pixels dissimulent les crimes.
(en anglais)
Marta Zarzycka est actuellement chercheure invitée au Center of Women and Gender Studies de l’Université du Texas à Austin. Elle a été précédemment professeure adjointe au Département de Gender Studies de l’Université d’Utrecht aux Pays-Bas. Son champ d’enseignement et d’écriture est la photographie et la théorie féministe. Elle a reçu de nombreuses bourses internationales, entre autres du Center for Creative Photography à Tucson en Arizona, du Harry Ransom Center à Austin au Texas, du Ryerson Image Centre à Toronto et du Wolfsonian Museum à Miami, en Floride. En plus d’avoir écrit des chapitres d’ouvrages, des articles et des commentaires, Marta Zarzycka a été codirectrice de Carnal Aesthetics: Transgressive Imagery and Feminist Politics (I. B. Tauris, 2012), dans lequel elle a également rédigé un essai. Son dernier livre, intitulé Gendered Tropes in War Photography: Mothers, Mourners, Soldiers, paru chez Routledge en 2016, a reçu l’appui de la Netherlands Organisation for Scientific Research.
Cartographies de la violence
La violence et l’espace sont inextricablement liés : dans La production de l’espace (1974), Lefebvre nous rappelle que les espaces souverains et les territoires situés à l’extérieur de leurs limites sont tous deux produits, maintenus et régis par la violence. Cependant, la violence n’est pas qu’une action exercée sur le corps et la conséquence de cette action. Elle comporte également des sensations, des émotions et des affects ; la haine, la peur ou la colère se manifestent dans l’espace et marquent cet espace en conséquence, qui devient dès lors un lieu clé d’enquête géographique, lui-même situable dans un contexte géopolitique contemporain. Au moyen de pratiques photographiques choisies, j’examinerai comment des citoyens et des non-citoyens se voient privés d’un espace quand celui-ci devient régi par la violence (et comment ils peuvent potentiellement le revendiquer). S’appuyant sur la théorie du genre (gender) et le postcolonialisme, ma communication abordera les aspects matériels de relations affectives-spatiales : normes sur le corps, la mobilité ou le geste, frontières étatiques, discours sur la sécurité et l’anxiété frontalière, planification spatiale de camps de réfugiés et cartographies émotionnelles liées au départ et à la destination en situation de migration forcée.
(en anglais)